FRANCINE JONCAS
Membre de l'Ordre du Bleuet
Texte de Christiane Laforge
lu à la présentation de Francine Joncas
au Gala de l'Ordre du Bleuet, le 6 juin 2015
Le 6 novembre 1948, Saint-François-de-Sales, village du Lac-Saint-Jean, ainsi nommé en l’honneur du saint patron des écrivains et des journalistes, hérite d’une petite fille dont l’existence sera à l’enseigne des mots. Fille de Robert Joncas, passionné des trains qui lui ouvrira la voie des grands voyages et d’Adéliska Gauthier, mère de huit enfants, habile couturière qui lui a légué un don pour la polyvalence, Francine Joncas s’empare du théâtre à 6 ans avec, pour premier rôle, rien de moins que Jésus fils de Dieu. Ce personnage mythique sera à l’origine de sa passion pour la scène autant que de son humanité transcendée par ses missions au Paraguay.
En 1954, la famille Joncas s’installe à Roberval où Francine va vivre sa jeunesse, ses engagements et sa maternité. Deux filles, « son orgueil et sa fierté » affirme-t-elle, qui ont grandi à l’ombre du Théâtre le Mic-Mac, cette compagnie qui a battu la mesure des 48 dernières années de leur mère. Anne-Martine est auteure et professeure au département des arts et lettres de l’Université du Québec à Chicoutimi. Marie-Christine enseigne l’art dramatique au Collège Letendre de Laval. S’il est un mot clé donnant accès à la personnalité de Francine, c’est bien le mot famille. « Ne touchez pas un cheveu des sept sœurs Joncas », menace-t-elle. Et quand elle nomme les personnes qui l’ont impressionnée, la liste inclut ses parents pour la force, sa grand-mère Dina pour la tendresse, ses enfants pour la détermination, son petit-fils Paul pour l’amour qu’il inspire, sa sœur Christiane pour le courage et ses complices du Mic-Mac pour leur passion. Illustrant bien les traits de caractère de cette femme engagée, d’autres noms de personnes influentes surgissent dans ses confidences : Craig Kielburger qui, à 12 ans, a fondé Enfants entraide, organisme voué à la défense des droits des enfants; Sœur Jeanne d’Arc Bouchard, des Augustines de la miséricorde de Jésus, qui a fondé le service de réadaptation pour alcoolique et toxicomane. Elle ajoute «les nombreux réfugiés partout dans le monde qui vivent dans des conditions précaires», disant : «je ne peux m’empêcher de penser à toutes ces personnes qui souffrent.»
Lorsqu’elle était une enfant, déjà assidue de toutes les scènes scolaires où pouvoir jouer, Francine Joncas rêvait de ses futurs enfants, de voyager, d’être missionnaire et d’écrire. Elle a tout réalisé. Deux enfants contaminées aux mots et à la scène. Plusieurs séjours pour l’aide humanitaire au Paraguay. Et finalement, des textes pour le théâtre. Œuvre collective pour La Valise animée de Réjean Gauthier ainsi que pour l’animation théâtrale à Val-Jalbert. Aujourd’hui, elle rédige l’histoire du Mic-Mac en prévision du 50e anniversaire de cette troupe. Un jubilé partagé, alors qu’en 2016, cela fera 50 ans que cette partenaire polyvalente, comédienne, metteur en scène, coordonnatrice et présidente du conseil d’administration a offert ses services au Mic-Mac comme maquilleuse. Elle deviendra plutôt souffleuse et accessoiriste, le temps de suivre des ateliers de théâtre sous la direction de Ghislain Bouchard, avant de se lancer dans un rôle multiple. Femme-orchestre qui a campé 29 rôles majeurs, réalisé six mises en scène et plusieurs lectures publiques. Tout cela sans jamais renoncer à se perfectionner dans tous les domaines : improvisation, écriture, jeu d’acteur, mise en scène incluant quelques cours en théâtre à l’UQAC.
Elle aurait voulu jouer du piano. Ses doigts ont gagné le pain quotidien en jouant sur les claviers d’une secrétaire. Elle aurait aimé chevaucher un blanc coursier dans les champs du Lac, elle a volé sur les ailes d’avions en direction de l’Amérique du Sud, de l’Europe de l’Est, du Soleil levant. Elle aimait le théâtre, elle y a plongé sans retenue. Elle fut Germaine dans Les Belles-sœurs, Judith pour Oublier, Bernadette dans Les dernières fougères, Aline pour Le Faucon, avant d’incarner une Albertine de 70 ans. Des rôles que les critiques évoquent avec éloge, parlant tour à tour du jeu intelligent, brillant, sensible et attachant de Francine Joncas.
Après 48 ans de productions de haut calibre — Tremblay, Laberge, Danis, Bouchard — après cinq décennies à jouer du théâtre québécois, le Mic-Mac ne reçoit aucune subvention. Pourtant, considérée comme la plus professionnelle des troupes de théâtre amateurs, le Mic-Mac a été sélectionné au gala des Arlequins à quatre reprises. La pièce Les Reines a gagné le prix de la meilleure production en 2007 et La Défonce le prix coup de cœur en 2010.
Quand les bravos se taisent, que les feux s’éteignent, le public repart avec le souvenir d’un soir. Il ne se doute pas de la somme d’efforts consentis pour offrir chaque production. Le théâtre n’existera pas, ce théâtre n’existerait pas sans une volonté farouche de survivre en dépit de tout. Ce tout, ce sont les soucis récurrents qui tourmentent l’administratrice et ses collègues depuis le tout début. Trouver l’argent nécessaire pour un local adéquat, des costumes, des décors. Sans oublier les ateliers pour former la relève aussi bien des comédiens, des techniciens que des scénographes. Autant d’opportunités d’apprentissage pour les jeunes que de travail pour les créateurs professionnels que la troupe se fait un devoir d’engager. Ce tour de force annuel dépend du soutien des commanditaires qu’il faut renouveler chaque année en rivalisant d’ingéniosité, mais surtout parce que les 40 membres de la compagnie travaillent bénévolement.
«Le théâtre, écrit Francine Joncas, c’est plus qu’un loisir, c’est une passion, une façon de vivre, une présence continuelle. Je quitterai le théâtre un jour, mais le théâtre ne me quittera jamais.»
Le 6 juin 2015
Francine Joncas
Comédienne, auteure, metteure en scène,
Pour sa contribution exceptionnelle au théâtre régional
fut reçue membre de l’Ordre du Bleuet
***
lundi 22 juin 2015
FRANCINE JONCAS SUR VIDÉO AU GALA 2015 DE L'ORDRE DU BLEUET
POURQUOI L'ORDRE DU BLEUET
L'intensité et la qualité de la vie culturelle et artistique au Saguenay-Lac-Saint-Jean est reconnue bien au-delà de nos frontières. Nos artistes, par leur talent, sont devenus les ambassadeurs d'une terre féconde où cohabitent avec succès toutes les disciplines artistiques. Cet extraordinaire héritage nous le devons à de nombreuses personnes qui ont contribué à l'éclosion, à la formation et au rayonnement de nos artistes et créateurs. La Société de l'Ordre du Bleuet a été fondée pour leurs rendre hommage.La grandeur d'une société se mesure par la diversité et la qualité de ses institutions culturelles. Mais et surtout par sa volonté à reconnaître l'excellence du parcours de ceux et celles qui en sont issus.